Mort de Daniel Leclercq, le «Druide», unique et attachant
Philippe Leclercq |
« Daniel est mort. » Trois mots glaçants qu’il faut entendre une deuxième puis une troisième fois avant d’imaginer en percevoir le sens. Au bout du fil, Gervais Martel a perdu sa faconde. Le silence écrase une nouvelle pourtant si violente.
Daniel Leclercq s’est éteint vendredi matin, victime d’une embolie pulmonaire à l’âge de 70 ans. Il est mort en Martinique, là où il espérait couler des jours heureux. Là aussi où il encadrait avec Patricia, son épouse, les stages créés par Raphaël Varane.
Le choc est brutal pour qui a eu le privilège de côtoyer ce personnage parfois complexe, mais tellement attachant. Tellement unique aussi. Et d’une profonde pudeur contrastant parfois avec ses mémorables coups de gueule. Il ne le disait pas toujours, mais il savait pardonner.
« Toi, tu enlèves ta casquette, tu fais demi-tour, tu dis bonjour au concierge que tu as ignoré en passant et tu rentres chez toi. Ta journée est terminée. »
C’est que « le Grand Blond » était d’une rigueur extrême, il élevait le respect de l’autre en valeur suprême. L’éducation avait un sens.
Un après-midi de match à Léo-Lagrange, à l’entrée de Lens, il était alors en charge de la formation, nous discutions, Daniel et moi. Arrive un jeune joueur, le sac sur l’épaule et la casquette sur le crâne. Il venait nous saluer. Il n’en a pas eu le temps. « Toi, tu enlèves ta casquette, tu fais demi-tour, tu dis bonjour au concierge que tu as ignoré en passant et tu rentres chez toi. Ta journée est terminée. »
Une exigence qu’il avait avec tous. Même ses proches. Nous avons vu Robert Sab, lui-même ancienne gloire du Racing, devenu entraîneur, également prié de se découvrir en entrant dans le bureau.
Mais Daniel Leclercq n’était pas cet homme froid et intransigeant que d’aucuns se plaisaient à décrire sans le connaître vraiment. En l’évoquant vendredi, nombreux sont ceux qui rappelaient qu’il aimait avant tout les gens. À Valenciennes, à Lens, à Marseille, à Guesnain, à Douai, partout il a aimé les gens.
Venu l’année dernière à Lens célébrer le vingtième anniversaire du titre, il laissait encore percevoir tout le bonheur d’avoir contribué à rendre heureux le peuple lensois.
Football champagne
Le titre de champion de France en 1998, la Coupe de la Ligue l’année suivante.
Souvenons-nous de ce soir du 8 mai 1999 au Stade de France. Le RC Lens vient de triompher. Daniel Leclercq brandissant la coupe, se tournant vers la droite et l’adressant aux supporters lensois, les pointant du doigt pour mieux les associer au bonheur. Car c’est avant tout pour eux qu’il était heureux. C’est aussi pour eux qu’il voulait faire couler le football champagne du haut de la Marek au bas de la Trannin. C’est pour eux qu’il était fier d’être valenciennois lorsque Nungesser s’est remis à chanter.
« Ses idées, son look, c’était une potion magique. Il avait ce sens inné de créer des choses inouïes. »
Et puis, il avait ce charme étrange qu’ont les êtres à part, capable d’un clignement de l’œil de vous embarquer dans des raisonnements que lui seul savait défendre, mais qui menaient bien souvent à la vérité.
Journaliste à L ’Équipe en charge du Racing dans les années bonheur, Franck Ramella avait trouvé ce surnom de « Druide » qui lui est resté à jamais attaché. Vendredi, il le résumait encore parfaitement : « Ses idées, son look, c’était une potion magique. Il avait ce sens inné de créer des choses inouïes. Ce qu’il touchait, il arrivait à en faire quelque chose. »
Vendredi, le « Druide » s’en est allé.
Une cérémonie en la mémoire de Daniel Leclercq aura lieu mercredi à Fort-de-France, en Martinique. Il sera incinéré le lendemain.