samedi 5 décembre 2015

CÉLESTIN LEDUC, CE MÉTALLO QUI NE LÂCHAIT RIEN, UN COMBAT DE SA FAMILLE POUR FAIRE VIVRE SA MÉMOIRE




Ça ressemble à une déclaration d’amour de toute une famille à à un grand-père ou arrière grand-père. Le 5 décembre, sortira un livre qui raconte la vie du résistant dechynois Célestin Leduc. « En 1992, on fêtait le 50e anniversaire de la mort de Célestin, se rappelle Jean-François Car, le président de l’association de la mémoire sociale de Dechy. On avait fait une plaquette qui racontait sa vie, mais elle est épuisée depuis longtemps. Donc Pierre Outteryck, un historien, nous a demandé si on était d’accord pour refaire un livre, et il a travaillé très sérieusement ! » 
Un travail qui a commencé par des interviews de la famille de Célestin, comme sa fille Paulette, qui a aujourd’hui 87 ans. En 1992, il y avait encore beaucoup de témoins qui l’avaient connu de son vivant, et cela devient de plus en plus rare avec le temps qui passe. « C’était urgent de le faire, car après les témoignages seront perdus ! » lance l’arrière-petite-fille du résistant, Annabel Derveaux. Alors pendant que Pierre Outteryck enregistre les témoignages sur son petit dictaphone, sa compagne Laurence Dubois va fouiller dans les archives pour rechercher des documents. Et le couple fait des découvertes inédites. « On a même découvert des choses ! sourit le petit-fils de Célestin, Gérard Derveaux. On a appris qu’il était ami avec la famille Pétain, dont le père mineur est décédé dans la catastrophe de Courrières, car on a retrouvé des cartes postales où les prénoms de cette famille étaient écrits. On l’ignorait, car avant d’être arrêté, il avait jeté tous ses papiers, dont ceux de la résistance. » 
Car Célestin Leduc est un homme aux multiples facettes : père de famille, mineur, métallurgiste, syndicaliste, conseiller municipal, tenancier de café et résistant. Le livre raconte donc sa vie à travers tous les conflits sociaux, de 1887 jusqu’à 1942, date à laquelle il a été fusillé. Pour son arrière-petite-fille Annabel, ce livre était nécessaire : « La famille ne parlait pas de tout ça, après la guerre, ils voulaient juste oublier, c’était un vrai traumatisme... Moi je veux montrer que c’était un être de chair et de sang, pas seulement un nom de rue ! Car pour nous, Célestin Leduc, ça se résumait à une simple photo. Mais il faisait partie de ces petites gens qui ont fait avancer le monde. » 
D’abord simple mineur, Célestin Leduc devient syndicaliste et était surveillé : on a retrouvé des courriers qui racontent les réunions auxquelles il assistait, les tracts qu’il distribuait. Lorsqu’on décide de construire une piste d’aviation et qu’il faut exproprier les habitants, il se bat pour faire annuler le projet. Il devient conseiller municipal socialiste en 1919 et adhère au parti communiste en 1920. Mais ces activités ne sont pas sans conséquences : « il avait démarré mineur, mais à force d’avoir organisé des grèves, il est licencié par les Houillères. On avait peur de l’embaucher car il pouvait reformer un syndicat, explique son petit-fils. On embauche ? demandait-il partout. Bien sûr, y’a du boulot. Qui êtes-vous ? lui répondait-on. Célestin Leduc de Dechy. Ah non, pour vous, pas de travail ! Alors il a fini par trouver du boulot grâce à des amis métallurgistes. » D’où le titre du livre : Célestin Leduc, ce métallo qui ne lâchait rien ! Et effectivement, il n’a rien lâché. Dès le début de l’occupation allemande, la résistance va s’organiser, et Célestin en est. Il organise des réunions au café qu’il tient, et qui est maintenant devenu le musée de la mémoire sociale de Dechy. Puis, les réunions se tiennent dans la cave, et les épouses ne sont au courant de rien. Il fallait un sacré culot pour organiser ces réunions-là, car les Allemands, qui ont installé leur Kommandantur tout près du café, viennent y boire des coups, sans se douter de rien. Jusqu’à ce jour de septembre 1941. Les domiciles des amis de Célestin ont déjà été fouillés, sans rien trouver, mais ce matin-là, à 5h, Célestin Leduc est arrêté. Il sera fusillé le 14 avril 1942. « C’était un fameux personnage ! sourit son petit-fils. Ce livre, c’est unique ! » Il sortira le jour de la Sainte-Barbe, comme un hommage au mineur qu’il était. Edité à 2 000 exemplaires, il sera vendu entre 5 et 6 euros. « Le but ce n’est pas de faire du profit, mais de parler de lui, précise son arrière-petite-fille. J’ai l’impression qu’on lui a rendu la vie, et que maintenant, on ne pourra plus jamais le tuer. C’est très émouvant ! »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Déposez ici votre commentaire