NOUS REPRODUISONS CI-DESSOUS UN EXTRAIT DE L'ENTRETIEN QU'IL NOUS AVAIT ACCORDÉ EN 2013 CONCERNANT LA FOSSE SAINT-RENÉ, LORSQU'IL Y TRAVAILLAIT ET LES LUTTES QU'IL Y AVAIT MENÉES AVEC DES MINEURS DE TOUTES ORIGINES.
DANS CET EXTRAIT, IL ÉVOQUE AVEC ÉMOTION ET HUMOUR LA FIGURE D'UN DE SES CAMARADES, FRANCO SOLDATI, DERNIER SURVIVANT À CE JOUR AVEC LUI DU CONSEIL MUNICIPAL DE 1959 OÙ IL AVAIT ÉTÉ ÉLU POUR LA PREMIÈRE FOIS :
"Franco Soldati, je l'ai connu au fond à la fosse Saint-René . Mais avant cela je l'ai découvert au centre des jeunes mineurs sur le terril à Sin le noble. Plus tard je l'ai retrouvé à la fosse Saint René .
Quand j'étais ouvrier, il était mon manoeuvre. Dans les années 53 , il a milité comme moi et nous avons fait toutes les grèves ensemble...
En 1956, il est devenu secrétaire de cellule. Et un jour de cette année , lors des événements de Hongrie, nous avons reçu l'ordre par l'intermédiaire d'Alexandre Derveaux qui était le délégué mineur de lancer une grève en solidarité avec le peuple hongrois. Et Franco, en sa qualité de secrétaire de cellule, est monté sur les grilles d'accès le long de la Nationale et s'est mis à haranguer les mineurs afin de les convaincre de ne pas descendre par solidarité avec le peuple hongrois.
En vérité, on était dans le vague.
" Pourquoi on fait grève? À quoi est-ce que ça sert ? Est-ce que cela va les aider ?"
Tout le monde était indécis. Si quelqu'un avait dit : " on rentre" , on serait rentré, les autres auraient suivi. C'est alors que le responsable du syndicat FO, le vieux Bourgueuse, un acharné anticommuniste lance : « Toi qui es là qui parles, t'es italien retourne en Italie ». Alors, un ouvrier, qui s'appelait "Poupart", réputé pour son franc-parler, lui rétorque : « Et toi t'es un Flamand retourne dans tin pays, allez les gars, on s'en r'tourne à la maison ».
À quoi tient le succès d'une grève parfois??? Tout le monde est reparti, on est revenu à 13 heures moins le quart pour le piquet de grève et on n'a jamais vu personne... Et le lendemain, on reprenait le travail.
Quand on y repense aujourd'hui, on a été hasardeux, sur la corde raide...
Et puis, d'autres fois , pour ne pas faire perdre une journée de salaire, on avait lancé les mots d'ordre de grève de 20 minutes pour dire de marquer le coup. Alors on faisait des grèves de 20 minutes, on commençait par un appel dans la salle de bain. Au bout de deux minutes, tu ne pouvais plus parler à cause des poussières sèches, tu crachais tout blanc, les gars se mettaient dehors à l'ombre et fumaient une cigarette, mais au bout de 20 minutes plus personne ne voulait descendre...
À une heure de l'après-midi, c'était exactement pareil, on faisait un appel, soit Alexandre Derveaux soit moi puisque j'étais son suppléant en tant que délégué mineur et secrétaire de section syndicale, et au bout de 20 minutes voilà finalement que le garde s'amène : « Monsieur l'ingénieur vous fait remarquer que les 20 minutes sont terminées et qu'il faudrait retourner au travail »
Alors, je lançai l'appel à la reprise, mais plus personne ne voulait descendre, tout le monde voulait rentrer à la maison. Est-il possible ? Enfin, c'était la vie. Une vie de militant, on n'avait pas le temps de vieillir... On assumait et pourtant c'était dur..."
Pierre Dussart, (propos enregistrés et retranscrits par Jean-Marie Devaux dans le cadre de la préparation d’une exposition du groupe d’histoire locale sur les différentes immigrations à Guesnain en 2013)
Quelques photos que Pierre Dussart nous avait confiées et qu'il avait annotées au verso :
CONSEIL MUNICIPAL DE 1959 (PIERRE DUSSART, 5ÈME EN PARTANT DE LA GAUCHE ENTRE ALFRED MALÉSIEUX ET FRANCO SOLDATI) |
Au verso, indications manuscrites de Pierre Dussart, où il a noté au fur et à mesure les décès de ses camarades du conseil municipal élu en 1959 |
Conseil municipal de 1959 : Pierre Dussart, toujours au second plan, derrière Franco Soldati et Jules Lekien |
les annotations portées par Pierre Dussart sur le verso de la photo ci-dessus |
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