vendredi 19 avril 2013

ÉVÉOLE : quelques petits conseils pour rater son tram



Il semblait pourtant alléchant ce projet. Innovant dans son système de guidage automatisé, écologique et silencieux, le tramway de Douai devait être une révolution. Sept ans après les premiers coups de pioche, c’est un échec qui fait rire jaune dans tout le Douaisis. Comment rater son tramway en quelques conseils, c’est le cours de DailyNord.

CONSEIL N°1 : RATER SA COMMUNICATION

La communication, quand on dépense des millions, c’est important. Dans un premier temps, les porteurs de projets douaisiens l’ont bien compris : de 2005 à 2008, une grande campagne de presse et d’affichage est même organisée à Douai et aux alentours. Lors de ses voeux à la population, le 31 janvier 2007, Jacques Vernier y va même de sa petite phrase : « La qualité de cet ouvrage économique et silencieux sera prétexte à redessiner l’urbanisme, à régler les problèmes de circulation et de stationnement et fédère cyclistes, commerçants et touristes”. Parallèlement, à l’époque, le SMTD (Syndicat Mixte des Transports du Douaisis) communique même quotidiennement sur son site.
Mais patatras : en 2009, les homologations traînent, la municipalité et le SMTD ne justifient pas clairement les retards. La presse locale s’en mêle, La Voix du Nord diffuse même une série d’articles sur les dysfonctionnements. La réponse de la mairie est extraite d’un manuel de la communication ratée  : le maire de Douai envoie un mail à ses services, leur demandant de cesser toutes relations avec le quotidien. Il ne faut plus convier les journalistes aux manifestations locales, ne plus publier d’annonces légales ou de publicités, etc. L’affrontement ne dure pas longtemps, mais dès lors, l’information sur les sites internet se fera plus rare, certaines publications antérieures sont supprimées et les élus sont désormais “prudents” dans leurs propos.

CONSEIL N°2 : GÉRER SES FINANCEMENTS À LA PETITE SEMAINE

Mais combien coûte ce satané tramway ? Le prix communiqué du coût prévisionnel variait entre 109,7 millions et 134 millions d’euros pour une première tranche de 12 km. En 2009, alors que le tram ne circule toujours pas, le Département baisse sa dotation, le budget du SMTD est plombé de 4,5 millions d’euros. Le fabricant d’Eveole en rajoute une couche : 8 millions d’euros de plus sont réclamés en plus du marché initial de 16 millions pour la réalisation des logiciels de guidages. Siemens, qui n’a pas été retenu pour le marché, veut sa part du gâteau : 2,6 millions d’euros. En quel honneur ? L’entreprise retenue n’avait en fait pas les compétences nécessaires au projet. Ajoutez-y deux emprunts toxiques indexés sur la parité euro/franc suisse et commercialisés par Dexia et la Caisse d’Épargne qui  remontent à la surface et vous avez un tableau bien sombre, même pointé par la Chambre régionale des Comptes. Heureusement, dans notre région, on peut toujours compter sur quelqu’un pour se sortir de la panade. Malgré les nombreux aléas financiers de la première phase, la Région, sans passer par la Commission Transports (!), a voté une subvention de 85 millions en 2011 pour permettre aux Douaisiens de continuer leurs expérimentations “tramwesques” et financer en grande partie la deuxième phase du chantier (estimée, elle, à 113 millions d’euros). Et voilà donc plus de 200 millions envolés sans que l’on sache très bien si un jour, le tout fonctionnera correctement (voir le conseil n°5)…

CONSEIL N°3 : NE PAS ÉCOUTER LES EXPERTS, ILS NE SERVENT À RIEN

En 2006, une enquête menée par des chercheurs du CNRS (Laboratoire Techniques, Territoires et Sociétés soit LATTS), se montre critique envers la possibilité d’un tram à Douai. « Avec moins de 20 000 voyageurs par jour, la ville de Douai aurait pu se tourner vers une reconsidération de son transport urbain sans pour autant investir dans un projet de tramway ». Le Phileas (nom technique du tram Evéole de Douai) et sa conduite semi-automatique sont jugés difficilement compatibles au milieu urbain. Précurseurs, les chercheurs insistent même sur le fait que « le système de guidage rencontrera d’importantes difficultés tant sur le plan technique que réglementaire ». On voit le résultat. Mais c’est connu, les experts ne servent à rien.

CONSEIL N°4 : IGNORER LES EXEMPLES QUI FONCTIONNENT

Dans la lignée du conseil n°3, si l’on n’écoute pas les experts, pourquoi ne pas se fier à d’autres expériences ? La ville d’Angers qui avait opté pour un tram sur pneu, s’est finalement convertie en février 2005 au tram sur rails qui accusait un surcoût de 16% largement compensé par la rentabilité du produit. Dans le monde de l’industrie, le service après-vente fait partie de la mise en service d’un produit comme l’expliquait en 2009 le président de la Chambre de commerce Jean-Claude Stievenard : «On met au point un système, on vérifie qu’il fonctionne bien avant d’engager la suite.» (La Voix du Nord). Pas à la SMTD qui doit pourvoir aux réparations nombreuses de ses trams sur pneu.

CONSEIL N°5 : MISER SUR UN SYSTÈME QUI N’A PAS FAIT SES PREUVES

La raison principale du retard de mise en service ? L’Etat qui ne délivre pas d’homologations pour les appareils hybrides, mi-bus, mi-train, dotés d’un système de guide novateur. Les essieux indépendants qui permettent une déportation latérale et la conduite semi-automatique imposent des contraintes techniques et de sécurité novatrices qui étaient encore en expérimentation aux Pays-Bas en 2006. Des systèmes complexes conduits par un logiciel de guidage toujours en cours d’élaboration à ce jour et sont promis pour 2014 par Jacques Vernier. De plus, l’homologation du guidage n’est pas prête d’être obtenue, l’adjudicataire du lot lui-même voyant ces derniers jours son cotraitant lui glisser dans les doigts. Bonus : même la neige a réussi à mettre à mal le “tram” de Douai. Avec les derniers épisodes neigeux, des soufflets se sont déchirés et les pannes se sont multipliées.

CONSEIL N°6 : SE METTRE À DOS LES COMMERÇANTS

On le sait, les commerçants ne sont jamais contents… Mais quand les travaux prennent du retard, on peut comprendre que le désamour entre professionnels de la vente et mairie. En 2009, le tramway promis n’étant toujours pas là, place Carnot, trois commerçants fermaient leurs portes avec des chiffres d’affaire en berne mettant en cause les retards de la mairie. C’est bien évidemment une explication simpliste, mais elle s’ajoute encore au décidément tortueux dossier du tram de Douai. Ou le bus le plus cher du monde, jusqu’alors.

1 commentaire:

  1. Et oui, ce tram a été un épouvantable fiasco qui a fait couler beaucoup d'encre...et d'entreprises. Le tandem Vernier/Delille, méprisant l'avis des experts et celui des douaisiens a infligé ce "tramway nommé délire" à la population réticente. Le résultat on le connaît: les rames de cette "vitrine technologique" sont aujourd'hui à la casse, remplacées par des bus accordéons Mercedes, le centre ville handicapé par les voies réservées au tram provoquant des goulots d'étranglement en entrée de ville comme au pont d'Esquerchin, ainsi que des rétrécissements de voie de circulation en ville (rue de valenciennes) et autres, ainsi que par le stationnement à double péage (horodateur+ PV) et un plan de circulation inextricable a perdu la clientèle motorisée qui préfère éviter la "nasse douaisienne" au profit des zones commerciales périphériques, ce qui a causé et cause encore, une hécatombe des commerces intra-muros. mais n'était-ce pas le but?

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